Un réfugié soudanais détenu en Israël pour possession de bicyclette

Afriquinfos Editeur
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En juillet 2013, le texte, Procédure pour le traitement des Infiltrés [le terme péjoratif employé par l'Etat d'Israël contre les demandeurs d'asile] impliqués dans une procédure pénale, a été étendu pour s'appliquer aux réfugiés suspectés même d'infractions mineures. Plus de 500 demandeurs d'asile ont été détenus en application de la procédure pénale et envoyés dans les camps d'internement pour réfugiés du désert du Négev dans l'attente de la possibilité de les expulser d'Israël.

Le 18 juillet, un comédien demandeur d'asile originaire du Darfour, Babaker (Babi) Ibrahim, a été arrêté par la police israélienne pour ne pas avoir de facture pour sa bicyclette, donc présumée volée. Babi, une figure bien connue de la communauté soudanaise en Israël, fait partie d'une troupe de réfugiés qui a récemment présenté un spectacle satirique sur le mauvais traitement des réfugiés en Israël, One Strong Black (Un Noir Fort). L'arrestation et la détention illimitée sans procès de Babi ont provoqué l'indignation et une campagne en et hors ligne pour sa remise en liberté et celle des autres réfugiés dans la même situation. Le 20 juillet, des dizaines de personnes ont manifesté devant la résidence du Procureur Général Yehuda Weinstein, qui avait donné son aval à ce règlement :

                                 

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La Hotline pour les travailleurs migrants, une association qui défend les droits des réfugiés, des migrants et des victimes de la traite humaine en Israël, a donné une information sur la situation juridique actuelle de Babi :

"Après le rejet par la Haute Cour de Justice de notre recours d'habeas corpus, nous avons introduit hier un nouveau recours pour Babi… Notre recours demande la remise en liberté de Babi et l'abrogation des règlements en vertu desquels il a été arrêté, au motif que la réglementation est anticonstitutionnelle… Nous allons continuer à lutter pour la libération de Babi et la liberté de tous les réfugiés détenus sans procès en Israël. L'existence de deux systèmes juridiques distincts en Israël : un pour les réfugiés et un pour tout le monde est inacceptable. Il est scandaleux que les réfugiés soient envoyés en prison à vie sans preuve, sans procès équitable, sans la possibilité de se défendre et sans que la police ait à prouver qu'ils sont coupables de quoi que ce soit. Une réglementation fondée sur l'hypothèse que tout bien en possession d'individus d'une certaine couleur de peau ne peut être que volé ne peut pas exister dans un pays démocratique."

Les défenseurs de droits Yonatan Berman et Oded Feller ont écrit sur leur blog Laissez Passer un billet sur l'absurdité d'emprisonner des gens pour possession de biens :

"[Notre] blog ouvre pour ses lecteurs une section roulette : devinez la prochaine mesure [du gouvernement]. A notre avis : les demandeurs d'asile qui ne pourront pas présenter de facture prouvant qu'ils ont acheté les vêtements sur leur dos seront arrêtés. Nous nous assurerons ainsi que tous les demandeurs d'asile déambuleront nus. Ou peut-être, en fait, que tous les réfugiés habillés seront arrêtés pour vol, et ceux dévêtus, pour exhibitionnisme."

L'éminent blogueur de gauche Yossi Gurvitz a écrit sur son blog Friends of George :

"Près de 160 ans après [l'arrêt] Dred Scott v. Sandford, près de 150 ans après le 13ème amendement qui a mis fin à l'esclavage [aux USA], Weinstein a approuvé de sa signature qu'une catégorie entière de gens – incidemment, bien sûr, leur peau est noire – soient, sinon une propriété par nature, moins qu'humains. Des affirmations calomnieuses (par exemple, d'un tricheur du Peuple Élu qui ne veut pas leur payer leurs salaires [des réfugiés en ont été menacés par leurs employeurs – note de l'auteur] suffisent à s'en débarrasser dans un trou juridique dont il est pratiquement impossible de sortir. Ibrahim a beaucoup de chance : il est un personnage connu. Il a nombre d'amis. Une centaine d'entre eux sont sortis par un chaud samedi soir manifester pour lui devant chez Weinstein. La plupart des réfugiés n'ont pas autant de chance. Il n'y a personne qui les connaît, personne pour introduire un recours d'habeas corpus pour eux. Ils sont réduits au silence et ont disparu dans le trou que Weinstein a creusé pour eux. L'opinion israélienne n'a pas réagi à la décision de Weinstein qui est comparable à l'arrêt Dred Scott ; il y a trop de jumeaux de William Yancey [un député démocrate sudiste, défenseur éminent de l'esclavage] et peu osent dire “vous vous méprenez sur nous. Nous ne le ferons pas !” [riposte d'un démocrate du Nord à la demande de Yancey que le programme du parti démocrate pour l'élection de 1860 comporte des déclarations esclavagistes]"

La page Facebook freeBabi n'a pas tardé à gagner, dès son lancement, des centaines de ”j'aime”. La page demandait aux lecteurs de proposer des photos et vidéos d'eux-mêmes réclamant la remise en liberté de Babi. Beaucoup se sont ainsi pris en photos, y compris des acteurs et musiciens très connus.

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Ecrit par Elizabeth Tsurkov · Traduit par Suzanne Lehn