Bruxelles (© 2019 Afriquinfos)- L’auteur belge qui avait renouvelé durablement la série «Spirou et Fantasio» et marqué toute une génération est mort samedi à 62 ans. Avec Janry, il avait imaginé à partir de 1990 l’enfance de leur héros pour des aventures spécifiquement destinées aux jeunes lecteurs.
«S’il y a un paradis pour les auteurs de Spirou, Rob-Vel, Jijé, Franquin et Nic viennent d’accueillir un nouveau», écrit ce dimanche la page des Amis de Spirou. «C’est avec une grande tristesse que nous venons d’apprendre la mort de Philippe Tome survenue hier [samedi] à l’âge de 62 ans.» Son éditeur, Dupuis, a confirmé la nouvelle ce dimanche. Il était surtout connu pour sa collaboration au long cours avec Janry sur les aventures du groom et de sa version juvénile.
Philippe Tome, né Philippe Vandevelde en 1957 à Bruxelles, commence la BD dès le début des années 70. Pendant ses études (de journalisme puis de communication graphique), il collabore à BUCK, le fanzine interne de l’Ecole européenne de Bruxelles : il y réalise des interviews d’auteurs et y propose des planches de BD, qu’il dessine. Après son service militaire, il entre dans l’atelier de Dupa (auteur de Cubitus et Chlorophylle). Il fait partie des collaborateurs de Greg (Achille Talon) et Turk et De Groot (Léonard), comme son ami Janry Geurts. Les deux se voient confier des pages jeux dans le magazine Spirou à partir de 1979. Leur duo se met en place : Janry dessine, Tome écrit, tout en participant au travail graphique.
Chez Spirou, la période est au flottement : Fournier, qui a repris les aventures du groom à la suite de Franquin, a une production bien trop irrégulière pour l’éditeur Dupuis. Le duo Nic et Cauvin se voit confier les rênes de la série phare, mais de son côté Chaland travaille lui aussi sur un projet de reprise, tandis que les jeunes Tome et Janry proposent de leur côté Virus, une aventure dans le Pôle Sud sur fond de guerre bactériologique. En 1982, ils deviennent officiellement les nouveaux auteurs des aventures de Spirou et Fantasio.
Jusqu’en 1998, Tome et Janry donnent un nouveau souffle à la série qui connaît alors un second âge d’or après celui de Franquin. Les albums sont bons et couronnés de succès en librairie. Le duo fait de Spirou un mélange de James Bond et d’Indiana Jones. Le récit est d’ailleurs volontiers cinématographique, «non seulement par la narration et la mise en scène avec des plans larges, les décors, les poursuites, mais aussi par certaines références comme à John Carpenter ou à Scorsese», se souvient Yoann, qui dessine Spirou depuis le milieu des années 2000. Tome s’amuse avec un plaisir évident à placer le groom imaginé par Rob-Vel en 1938 dans toutes les situations qui lui chantent : confronté à l’amour (Luna Fatale, 1995) et au racisme ordinaire du village de Champignac (le Rayon Noir, 1993), plongé dans un monde délirant et inquiétant (la Vallée des Bannis, 1989), menacé par de nouveaux méchants comme Vito Cortizone ou le descendant de Zorglub, ou encore un peu paumé à New York (1987) ou Moscou (1990) dans deux des albums parmi les plus cultes de la série. «Tome est hypermétrope et astigmate, ce qui l’incite à voir les choses de loin : il maîtrise parfaitement la structure complexe des scénarios, qu’il élabore aussi bien en réalisme qu’en humour», écrivait Thierry Martens, ancien rédacteur en chef du magazine Spirou, en 1994. A la fin des années 90, Tome et Janry se lancent dans une nouvelle expérimentation avec Machine qui rêve : un album de Spirou plus adulte et beaucoup plus sombre. Un flop commercial mais un choc de lecture mémorable pour de nombreux lecteurs. Les aventures de Spirou et Fantasio changent de main et sont confiées au duo Morvan et Munuera pour ce qui sera la pire période de la licence.