Bénin: L’opposant Zinsou interdit d’élection pour cinq ans, le régime se durcit

Afriquinfos Editeur
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Lionel Zinsou, alors Premier ministre béninois, arrive à l'Elysée, le 11 juillet 2016 à Paris (AFP).

COTONOU (© 2019 AFP) – L’opposant béninois Lionel Zinsou, arrivé second à la dernière élection présidentielle, a été condamné vendredi à Cotonou à cinq ans inéligibilité et six mois d’emprisonnement avec sursis pour usage de faux documents, dans un contexte de durcissement du régime du président Patrice Talon.

Lionel Zinsou, ancien Premier ministre qui vit en France, a été condamné « à cinq ans d’inéligibilité pour toutes les élections à venir en République du Bénin, à six mois d’emprisonnement assorti de sursis », a déclaré une source du tribunal de Cotonou qui l’a jugé. Il est accusé d’avoir masqué ses dépassements de compte de la campagne électorale de 2016 en utilisant de « fausses attestations ou un certificat falsifié », note cette source. Le procès contre Lionel Zinsou, grand rival de l’actuel président Talon, a démarré il y a environ deux mois, mais lui-même n’a pas assisté aux audiences.

L’opposant était déjà visé par une plainte liée au remboursement d’une dette de 15 milliards de francs CFA (23 millions d’euros) contractée durant la campagne auprès de la société Ebomaf, qui a depuis décroché plusieurs gros contrats avec l’Etat béninois. Le procès n’a pas vu le jour mais des sources proches de M. Zinsou ont confié qu’il ne s’était pas rendu au mariage de sa fille en novembre dernier et qu’il évitait de revenir au Bénin par crainte d’être arrêté. De nombreux observateurs locaux et internationaux dénoncent régulièrement un tournant autoritaire du président Talon, élu en avril 2016, dans un pays réputé pour être un exemple de démocratie en Afrique de l’Ouest. La grande majorité des opposants à M. Talon vivent désormais en exil, déjà condamnés en leur absence ou craignant des mesures judiciaires à leur encontre s’ils reviennent au Bénin.

– « Recherchés » par la justice –

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Condamné à 20 ans de prison pour trafic de drogue, Sébastien Ajavon, président du patronat béninois et richissime homme d’affaires qui vit également en France, a été condamné à 20 ans de prison dans une sombre affaire de trafic de cocaïne, jugée en quelques jours à peine par une Cour spéciale après qu’un premier tribunal l’eut acquitté. Sébastien Ajavon était arrivé troisième à la présidentielle de 2016 et avait fait alliance avec Patrice Talon pour lui faire remporter l’élection contre Lionel Zinsou. Fin juin, l’ancien président Thomas Boni Yayi, qui avait violemment condamné les élections législatives tenues en avril dernier et auxquelles l’opposition n’a pas pu présenter de listes, a été forcé à l’exil dans une destination inconnue après deux mois de siège des forces de l’ordre autour de son domicile. Des manifestations ont éclaté début mai et mi-juin dans des bastions de l’opposition et ont été réprimées dans le sang, faisant une dizaine de morts par balle.

Fin juillet, le ministre de la Justice a signé un décret interdisant de délivrer tout document administratif (carte d’identité, passeport, quitus fiscal,…) aux personnes actuellement sous le coup d’une procédure judiciaire et qui ne se présentent pas aux convocations policières. Une liste de plusieurs centaines de personnes dites « recherchées » a été publiée sur le site du ministère de la Justice, avec la mention de leur crime ou délit supposé. Parmi elles figurent plusieurs figures politiques, dont deux anciens ministres, des anciens députés ou l’ancien maire de Cotonou, accusés de se soustraire à la justice du pays. Pour Vincent Foly, éditorialiste et rédacteur en chef de La Nouvelle Tribune, ce décret est une nouvelle manifestation de la « main-mise » de Patrice Talon sur le pays. « Il prend des décisions qui, l’air de rien, visent les opposants », analyse le commentateur politique dans une interview avec l’AFP. Cette stratégie et ce durcissement sont d’autant plus surprenants que Patrice Talon avait plaidé pour une réforme de la Constitution pour instituer un mandat présidentiel unique. Mais désormais « cela ne fait plus l’ombre d’un doute » que le chef de l’Etat souhaite se représenter en 2021, assène M. Foly. « Il s’est rendu compte que cinq ans, ça ne suffit pas. »