Ethiopie: Un report des élections reste possible en raison des tensions (ICG)

Afriquinfos Editeur
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Élections générales 2020 en Éthiopie

Addis-Abeba (© 2019 Afriquinfos)- L’Ethiopie pourrait bien être contraint de reporter les élections législatives prévues en mai, et ce en raison des violences intercommunautaires et les rancœurs croissantes au sein des élites politiques, a averti lundi le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).

« Une campagne clivante et sanglante, avec des candidats appelant ouvertement à voter sur des bases ethniques, pourrait faire basculer le pays », a affirmé ICG dans un rapport, estimant que si les tensions actuelles s’intensifient, le Premier ministre Abiy Ahmed pourrait dès lors « être contraint de chercher à reporter les élections ».

M. Abiy a été nommé Premier ministre en avril 2018 par la coalition au pouvoir depuis 1991 en Ethiopie, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), après plusieurs années de manifestations anti-gouvernementales.

Ses initiatives en vue de la paix, principalement le rapprochement avec l’Erythrée, ainsi que son ambitieux agenda de réformes lui ont valu le prix Nobel de la paix 2019.

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Mais son ouverture a également libéré des ambitions territoriales locales et d’anciens différends intercommunautaires qui ont débouché sur des violences meurtrières dans de nombreuses régions du pays, faisant notamment près de trois millions de déplacés en 2018.En octobre, des affrontements lors de manifestations de partisans de Jawar Mohamed, un ex-allié de M. Abiy hostile au centralisme du Premier ministre, ont fait au moins 86 morts.

M. Abiy, désireux d’obtenir la légitimité des urnes, souhaite maintenir les élections au mois de mai malgré la situation sécuritaire. Mais, estime ICG, de nombreux écueils pourraient perturber ce calendrier.

Ces obstacles incluent des tensions dans la région de M. Abiy, l’Oromia, mais aussi l’hostilité entre l’administration Abiy et le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), qui jusqu’à 2018 dominait la coalition de l’EPRDF, et des conflits territoriaux entre les communautés Amhara et Oromo.

M. Abiy doit également faire face à des demandes d’autonomie accrues de la part de groupes ethniques du sud du pays, comme en témoigne un référendum organisé en novembre où les membres de l’ethnie sidama ont approuvé la formation de leur propre Etat régional au sein du système fédéral éthiopien.

La décision fin novembre de transformer la coalition de l’EPRDF en un seul parti, le Parti de la prospérité, soulève également de nombreuses questions. Cette décision, dont M. Abiy espère qu’elle permettra d’afficher une certaine unité et servir de rempart à l’ethno-nationalisme, a de fait été rejetée par le TPLF.

De plus, tout report du scrutin sera controversé, la constitution éthiopienne ne prévoyant pas de dispositions pour un tel scénario.

« Plus on approche des élections, plus les gens s’y seront investis et auront des attentes », note William Davison, analyste d’ICG spécialiste de l’Ethiopie. « S’il doit y avoir un report, le plus tôt sera donc le mieux. Plus on approche des élections, plus le processus (de report) sera difficile ».